Je vais donc tâcher dans cette article de vous raconter l'histoire de cet avion méconnu qu'est le Nord 260 son successeur le Nord 262 étant déjà nettement plus connu (produit à 110 exemplaires).
Le Nord 262 C/N 60 à Corbas début 2014. |
Le Nord 260 n'est pas directement issu des programme de recherche de Nord aviation mais plutôt d'un constructeur aéronautique de champagne, Max Holste qui est le concepteur du MH 1521 Broussard (1er vol 17/11/1952) qui a eu une brillante carrière en France.
Max Holste (à gauche), qui commencera sa carrière en France avant de s'exiler au brésil. |
Le MH 1521 Broussard C/N 299 (F-GHUO) anciennement à Corbas, on voit difficilement le lien entre lui et le Nord 262 ! |
Avant même que la production du Broussard s'achève en 1961, suite à une demande de l'état Français datant de 1957, Max Holste réfléchi à un appareil capable de succéder à l'avion de transport par excellence, le Douglas Dc-3. Le futur appareil doit emporter entre 14 et 17 passagers sur 2000 km à 250 km/h, et pouvoir opérer à partir de terrains sommaires. Une commande officielle intervient le 5 aout 1958.
Remplacer le Dakota n'est pas chose facile, l'appareil est doté de caractéristiques de vol très bonnes, il est très robuste et disponible en quantité suite à la 2ème guerre mondiale. |
Ce sera le MH 250 Super Broussard équipé de moteurs à pistons Pratt & Whitney R-1340 de 600 chevaux chacun qui fera son 1er vol le 20 mai 1959 à Reims piloté par André Moynet (qui sera plus tard le concepteur du bimoteur Push Pull Moynet Jupiter qui devrait revoler en 2015 restauré par l'espace Air passion d'Angers).
Le Pratt et Whitney R1340, le moteur du North American T-6 |
André Moynet a eu une histoire assez exceptionelle ! Après avoir combattu durant la 2ème guerre mondiale en tant que pilote dans les escadrons ile de France et Normandie Niemen, il entame une carrière politique et devient député de 1946 à 1967. Parallèlement, il devient pilote d'essai et vol sur la caravelle entre autre. Il conçoit le Moynet Jupiter ainsi qu'une voiture de course qui a remporté le Mans en 1975 dans sa catégorie, bref une carrière bien remplie (et je n'ai pas tout dit) ! |
Mais revenons au premier vol du super Broussard auquel Max Holste lui-même participe. Le prototype est immatriculé F-WJDA, ses ailes sont en position haute avec des dispositifs hypersustentateurs, il est construit en aluminium avec des gouvernes entoilées.
Le MH 250 trains sortis, il ne possède pas encore les carénages de train d'atterrissage qui seront caractéristiques de la série du Nord 260 au Nord 262. |
En vol sur un moteur, l'appareil est maintenant caréné, on a encore du mal à voir un Nord 262 là dedans mais la filiation avec le Nord 260 est très claire. |
Il est présenté au salon du Bourget en 1959, puis effectue une centaine d'heures de vol. Après modification, il reprend l'air le 20 septembre 1959 et est livré au CEV le 15 février 1960.
le MH 250 au salon du Bourget en 1959. |
Vous pouvez lire ici un compte rendu de vol du journaliste aéronautique Jacques Noetinger plutôt élogieux sur l'avion.
Afin de rendre son appareil plus léger et plus performant, Max Holste se lança dans 3 projets dérivés du MH.250, mais dotés de 2 turbopropulseurs. Ces 3 projets se distinguent essentiellement par leur motorisation. Ainsi le MH.260 est motorisé par des Turbomeca Bastan, le MH.270 par des Armstrong Siddeley P182 et le MH.280 par des Lycoming T-53. Pour obtenir le soutien du gouvernement français, Max Holste est obligé de choisir une motorisation française (la même situation s'est retrouvée sur les programme mirage III et mirage IV) : c'est donc le MH.260 qui sera développé.
Mais le 15 février 1960, Cessna qui est alors le premier constructeur d'avions légers au monde entre dans le capital de la société Max Holste cela entraîne plusieurs conséquences:
- la société change de dirigeant et Max Holste s'éxile au pays Santos Dumont, le Brésil où il participera aux débuts de l'aventure Embraer avec l'Embrer 110 Bandeirante.
- Un accord pour la production et la commercialisation de Cessna en Europe est signé.
- Le programme MH 250 devenu MH260 qui est trop lourd pour la société (Max Holste ne dispose pas des ressources nécessaires pour construire un nouveau prototype) est repris par Nord Aviation qui a les reins plus solide (la société Max Holste garde un tiers de la production). l'accord est signé le 5/10/1959 et à partir de là, Nord Aviation prend l'avenir du MH.260 en mains..
Le second prototype fut donc construit par Nord Aviation. Il était capable d'emporter 23 passagers ou 3445 kg de fret et était cette fois équipé de turbopropulseurs Turbomeca Bastan IIIA de 930 cv. Immatriculé F-WJDV, le prototype MH.260 01 prit l'air pour la première fois le 27 ou 29 juillet 1960 à Reims. Il est essayé sur 150 heures de vol avant de recevoir des Bastan IV de 985 cv. Il reprend l'air en octobre, et en décembre reçoit ses derniers aménagements. Il prit alors la désignation Nord 260 et est transféré au CEV, qui l'utilisera comme banc d'essais des moteurs du futur Nord 262 jusque dans la fin des années 1970.
Le MH 260 Super Broussard ou plutôt Nord 260 puisque l'entreprise a repris le projet. l'appareil possède une silhouette plus fine que le MH 250 surtout à cause de ses moteurs |
Le gouvernement français passa commande d'une présérie de 10 exemplaires, reprenant les moteurs Bastan IV. Mais seuls 9 exemplaires volèrent (le dernier n'ayant jamais reçu ses instruments et moteurs), Nord Aviation travaillant déjà sur une version nettement améliorée, le Nord 262. Le 9e et dernier exemplaire servit de réserve de pièces détachées aux autres exemplaires, prototype compris, ce qui laissa 8 exemplaires sur le marché. L'Australie fut un temps intéressée par 6 exemplaires, mais ne donna pas suite.
Ces appareils souffrirent à la fois de n'être pas pressurisé et de leur manque de puissance . Ils ne furent certifiés qu'en novembre 1962, un mois à peine avant le vol inaugural du Nord 262 qui corrigeait ces défauts avec des bastan VI de 1100 ch et un fuselage de section circulaire pressurisé.
le Nord 260 C/N 7 F-BLHN aux couleurs d'Air Inter sur l'aérodrome du Bourget en juin 1965 (on voit les autres appareils du salon à l'arrière plan. |
Ces 8 exemplaires furent loués à des compagnies civiles comme Air Inter en 1963 ou la compagnie norvégienne Widerøe, qui en évalua 3 exemplaires (volant 2100 heures) en attendant la livraison des Nord 262.
Les 3 avions de la Widerøe, au premier plan le C/N 06 puis le C/N 08 et enfin le C/N 05 |
- LN-LMB (c/n 05)
- LN-LME (c/n 08)
- LN-LMG (c/n 06)
Un des 3 Nord 260 à avoir opéré en Norvège, il furent remplacés quelques années après par des Twin Otter. |
Suite à l'expérience, la compagnie annula malheureusement son intention d'achat à cause de trop nombreux problème techniques notamment concernant les turbines (en 1 an, la compagnie à procédé à 23 changements de moteurs). En 1964, les avions sont de retour en France.
Le Super Broussard C/N 08 vu à Zestienhoven en 1963 |
Malheureusement, les turbines Bastan en étaient à leurs balbutiements et la fiabilité n'était pas encore là ! |
D'autres compagnies intéressées initialement abandonnent aussi l'appareil comme Ansett Ana, Madair.
Après cette courte histoire "civile", la plupart des appareils dénués de propriétaire vont finalement être récupéré par l'état français en l’occurrence, le CEV (Centre d'Essais en Vol) et l'EPNER (Ecole du Personnel Navigant d’Essais et de Récéption) qui exploitent des flottes très variées et manquent justement d'appareils de ce tonnage. Les appareils vont servir pour des missions de transport, de liaison et d'essais en vol.
Le 001 a perdu son immatriculation de prototype puisqu'il est devenu F-ZAGG. |
On refait les pleins de l'avion. Les appareils du CEV ont toujours arboré des livrées colorées ce qui change du gris que l'on retrouve sur la plupart des avions aujourd'hui. |
le C/N 06 F-ZVMA, doté d'un nez spécial. |
Dans les années 70, le 7/MB a été équipé de turbines Astazou avant de retrouver ses bastan. |
Le F-ZVMB le 14/09/1986 à Brétigny (avec les Bastan). |
Le dernier appareil produit, le F-ZVME au CEV avec pas mal de protubérances... Il était affecté aux essais de reconnaissance et est le seul a avoir été équipé d'un APU. |
001- F-WJDV puis F-ZVGG affecté à l'EPNER à Istres mais n’apparaît plus sur les états en 1970.
- 06- F-ZVMA (toujours présent en 1990)
- 07- F-ZVMB (toujours présent en 1990)
- 08- F-ZVMC (toujours présent en 1990)
- 09- F-ZVME (toujours présent en 1990)
Ils sont remplacés par deux Casa 212 en 1990, certains ont par la suite servi sur la BAN de Rochefort pour la formation des mécaniciens de la marine au CEAN. Le 6 a atterri à Cuers en 1992, on a depuis perdu sa trace, les 7 et 9 sont ferraillés.
Le MS 760 Paris devant un des hangar du CEAN de Rochefort au début des années 90, au fond on peut voir deux des Nord 260 du CEV (surment les N°7 et N°9) . |
Le Casa 212 a un petit air de Nord 260, il est presque aussi "beau" |
Des 5 Nord 260 du CEV, seul le 08 / MC existe toujours. Il a appartenu à l'AMPAA (basé à Melun), et dans ce cadre, il était stocké dans un hangar de Brétigny malheureusement, à la fermeture de la base, il a fallut évacuer les hangars et l'association n'a pas eu les moyens de le garder, l'appareil est donc parti pour Rouen.
On le voit ici partir de Brétigny pour rejoindre l'aérodrome de Rouen où il doit être remis en état de vol. C'était en 2012 et depuis, je n'ai pas eu de nouvelles. (fana de l'aviation octobre 2012). |
Le troisième appareil de présérie immatriculé F-BKRH est acheté le 21/05/1969 par Turbomeca pour servir aux essais de la turbine Astazou . Ses deux Bastan IV sont donc remplacés par des Astazou XVI de 1022 ch, l'avion est basé sur l'aérodrome du Bourget. Il est désigné MH 260A ou Nord 260A.
Ces essais vont permettre d'utiliser l'Astazou sur un avion exotique devenu célèbre durant la guerre des malouines, l'IA-58 Pucara
6/06/1975, le F-BKRH au Bourget, désormais aux couleurs de l'entreprise Turbomeca. |
Aout 1987 à Londres, le F-BKRH vole toujours. |
Le 15/09/1994, l'association Antilope prend possession du N°03 qui volera en meeting aérien quelques années avant d'être parqué sur l'aérodrome de Montpellier jusqu'en août 2014 date à laquelle l'ESMA le récupère pour la formation de ses mécaniciens en lieu et place du Nord 262 B N°7 (anciennement Air Inter).
A Montpellier en octobre 1997, l'avion a été repeint et porte une décoration plus proche de celle qu'il arbore actuellement |
Le 14/08/2014, le Nord 260 en plein nettoyage, ses gouvernes et son empennage ont été démonté pour protéger les parties entoilées, durant son long séjour en extérieur. |
L'association Antilope préserve le patrimoine aéronautique Français principalement en ce qui concerne l'épopée des Turbines de Turboméca. (Nord 1110, Beech-SFERMA Marquis...) |
Et maintenant, une petite exclusivité, la visite du cockpit, chose que je n'avais jamais pu voir auparavant (même en photo !)
On peut le voir, l'architecture générale n'est pas très éloignée du Nord 262 mais ce dernier à l'air quand même beaucoup plus structuré !
Désormais, l'appareil est à l'abri:
L'appareil va maintenant permettre aux futurs élèves de l'ESMA de découvrir les joies de la mécanique aéronautique. |
Nord Aviation plancha un temps sur le Nord 261, une version militarisée devant répondre à un programme officiel d'avion de coopération. Ce besoin est né des opérations en Algérie et réclame un appareil capable de remplir des missions d'observation, de transport de fret, de parachutistes ou de blessés, voir de fournir un soutien aérien d'appui-feu. Les moteurs Bastan V, développant 1100 cv, sont choisi. Mais la fin de la guerre d'Algérie mit fin à ce projet.
Aujourd'hui, le Nord 260 reste connu surtout pour avoir servi de base au nord 262 dont il partage l'aile et les moteur et on parle bien peu souvent de lui... Peut être un jour le reverra t-on voler du côté de Rouen?
sources:
http://www.ampaa.fr/les-avions-de-lampaa/nord-260/
http://www.aviationsmilitaires.net/v2/base/view/Model/856.html
http://www.oud16hoven.nl/page31.html
http://scanair.no/wp/2012/01/07/nord-260-super-broussard-ukjente-fly/
-->
Super
RépondreSupprimerUn très bel article sur un avion méconnu de tous.
En parlant de celui de l'AMPAA stocké avec d'autres appareils, on m'avait dit on sauvera le Mirage, peut-être le Vautour, mais il y a peu de chance que le Nord 260 le soit. Pourquoi? "Il n'a pas d'histoire". Personnellement, j'aurai sauvé en priorité le Nord 260 car des Mirage III y en a partout.
Encore bravo
Bonne semaine
Bonsoir Sébastien,
RépondreSupprimerTout d'abord, merci pour les compliments. Je suis entièrement d'accord avec toi, un mirage, c'est bien beau, c'est fascinant, mais pouvoir continuer à faire découvrir un avion qui a été construit en un si petit nombre et qui qu'on le veuille ou non est une partie (même minuscule) de l'histoire aéronautique française, ça n'a pas de prix. C'est par des choix tels que celui là que beaucoup d'avions de transport disparaissent (que reste t-il de l'épopée Latécoère?). J'aime bien quand j'en ai l'occasion braquer un peu les projecteur sur les avions méconnus et puis on se sent plus utile et plus productif que lorsque on fait un nième article sur le spitfire...
Bonne semaine à toi aussi
Baptiste
J'ai cherché cet avion en vain à deux reprises (2014 et 2015) et pourtant je croyais bien connaitre le terrain de Fréjorgues ... L'Association Antilope est inconnue à la CCI, qui gère l'aéroport ... Alors Bravo ! Si jamais vous avez un contact avec cette association, je cherche un Beech-SFERMA Marquis qu'ils sont également supposés conserver ... Je suis facile à trouver sur le net.
RépondreSupprimerFranchement elle est très belle comme appareil
RépondreSupprimer